JOUR 4 : 250 KM DEPUIS LA MAISON
Ce matin, nous repartons en marche arrière sur l’agréable section départementale d’Évian à Saint-Gingolph. Les camions rasent notre trio à 80km/h. Les frontaliers en retard nous klaxonnent. Le bonheur ! C’est bien la première fois que nous sommes contents d’attaquer la montée. Loin du trafic, nous atteignons Novel, un village reculé et à cheval sur la frontière Franco-Suisse. Encerclé par une forteresse de montagne, le thermomètre dépasse à peine 0°C.
C’est le point de transition pour commencer l'ascension à ski. Enfin l’approche « skis sur le dos » pour être exact. Pour l'instant, nos peaux sont encore au chaud dans nos sacs à dos. Nous marchons une heure sur un sentier forestier barré de troncs avant d’atteindre le pied du couloir. S’il y avait de la neige plus bas, on pourrait terminer la descente en plongeant dans le lac. L’ambiance est grandiose, de minuscules voiles blanches voguent en contrebas.
Ce sont ces pentes faces au lac que nous imaginions en rêvant de ce projet, un décor digne des fjords norvégiens. Seuls dans cette face nord qui s’assombrit, nous zigzaguons skis aux pieds pour la première fois. Les conversions s'enchaînent dans une pente soutenue. Après 2000m de dénivelé toutes disciplines confondues, nous atteignons finalement le sommet du Grammont à 2 172 mètres d'altitude.
La vue sur notre fjord local (le lac Léman) est à couper le souffle ; enfin, faudrait-il encore avoir du souffle. Nos poumons étaient déjà à l’agonie depuis longtemps et notre cameraman n’était pas loin de jeter l’éponge.
Au sommet, plus de temps à perdre. Gaston envoie son drone. À son signal, je m’élance sur l'arête principale encore éclairée par le coucher de soleil avant de plonger dans la face nord de la combe de Chaumény. Le couloir forme un entonnoir avec des sections raides sur la partie haute puis la pente s’adoucit avant de plonger à nouveau dans le lac. Un toboggan grandeur nature ! Cette sensation de dessiner sa ligne en poudreuse dans cette combe avec comme seul horizon cette surface bleue du Léman a quelque chose d’unique. Hugo me rejoint après avoir, lui aussi, tracé des virages dont il se souviendra.
Nous sourions bêtement avec le soulagement d’avoir enfin réalisé proprement une de ces lignes dont nous rêvions tant depuis des mois.
La fin de la descente est plus technique. La neige soufflée nous oblige à rester vigilant. En cas de blessure, les gardes-côtes auront eux aussi un bout de chemin à faire avant de nous atteindre ! Après une heure de marche nocturne à affronter les troncs d’arbre, nous retrouvons nos bécanes. Il reste encore un col à franchir et trois heures de vélo avant de pouvoir se jeter sur nos matelas. Notre caméraman se “jeterait bien dans le lac” lui. Un arrêt au meilleur et unique Kebab de St Gingolf s’impose. Le moral dopé à la sauce algérienne, nous remontons en selle pour
la troisième épreuve de la journée.
Les kilomètres défilent doucement alors que nos batteries se déchargent rapidement. À 23h, nous apercevons finalement les lumières de notre auberge. 5% de batterie au compteur et encore moins dans les bonhommes. Il n’en fallait pas plus pour aujourd’hui. Heureusement nos corps nous pardonneront, mais les souvenirs resteront.